La vie ne vit pas – philosophie chinoise et philosophie de la vie
Entretien avec le philosophe français François Jullien - Propos recueillis par : Bassam Baraké

Professeur François Jullien, dans un de vos écrits, vous dites que la vraie vie est un combat. Si telle est votre pensée, pourriez-vous nous dire quoi ou qui faut-il combattre pour vivre ? Ou, tout simplement, vous pensez que le simple fait de vivre est déjà un combat ? Sans détermination ni objectif ?
Vivre, c’est résister à la mort. Voilà donc la formule de Bichât, le grand médecin. Vivre, c’est résister à la mort, donc au sens déjà biologique. Et je distinguerai dans la notion de vivre, deux étages. L’un qui est le vital. Ne pas être mort. L’autre que j’appellerai le vivant, C’est-à-dire ne pas seulement ne pas être mort, mais résister à ce que j’appellerai la non-vie, la non-vie qui est la pseudo-vie, qui est l’apparence de vie. La vraie vie, c’est résister à la non-vie. Au niveau du vital, le contraire, c’est la mort ; au niveau du vivant, le contraire, c’est la non-vie, la pseudo-vie, l’apparence de vie. On croit qu’on vit et en fait, on ne vit pas vraiment. Je pense à la formule que Adorno a citée en exergue à ces minima moralia : « La vie ne vit pas » (Das Leben lebt nicht). La vie ne vit pas, donc c’est cela la non-vie dans la vie.
Je décline cette non-vie au moins sous quatre concepts : 1) la vie, qui ne vit pas, c’est la vie résignée. 2) La vie qui ne vit pas, c’est la vie enlisée. Enlisée, c’est-à-dire qui n’avance plus, qui est prise dans la lise, qui est immobilisée, qui ne bouge plus, qui n’avance plus. Enlisement de l’habitude, enlisement des relations. 3) La troisième, c’est la vie aliénée. 4) La quatrième, c’est la vie réifiée, celle qui devient chose. Ma vie se réifie et donc la vraie vie, c’est de dire non à cette non-vie sous ses différentes formes. Et par là c’est une vie qui est dé-résignée, désenlisée, désaliénée, dé-réifiée. Ce n’est pas une autre vie, ce n’est pas une vie idéale. C’est une vie qui dit non à la non-vie, parce que si l’on pense la vraie vie comme une vie idéale, une autre vie, on retombe dans la métaphysique. Et mon souci, c’est d’essayer de penser avec un minimum de métaphysique, pour reprendre le titre d’Adorno (Minima moralia).
Donc, pour vous, le fait de vivre la vraie vie, c’est de combattre la non-vie, dans ses quatre états, au moins. Mais où se trouve la vraie vie ?
Ici et maintenant, pas dans un au-delà, pas dans un ailleurs, le fameux εκεί platonicien, le là-bas ; non ce n’est pas dans un « là-bas », c’est dans un « ici ». Dire non – maintenant – à tout ce qui nous vient de la non-vie et qui s’impose à nous, qu’on subit. Et nos vies sont souvent l’apparence de vies. On croit qu’on vit, mais en fait on ne vit pas vraiment. Et c’est ça qui me paraît constituer le concept de vraie vie en concept négatif. Non pas une positivité de l’au-delà, du paradis, mais un négatif actif qui permet donc de résister à tout ce qui fait qu’on se résigne, qu’on s’enlise et qu’on s’aliène.
Oui. Mais cette non-vie qui nous empêche de vivre la vraie vie, vient-elle de nous-mêmes, de notre for intérieur, ou de ce qui nous entoure, de l’extérieur ? Est-ce que c’est la condition de l’homme depuis toujours ou elle est nouvellement arrivée avec l’évolution de nos sociétés modernes ?
Des deux. À la fois de nous et de ce qui nous entoure. Exemples : le marché mondial, les puissances qui nous accablent, … Je pense que nous sommes de plus en plus subissant la non-vie parce que d’abord les puissances aliénantes sont très lourdes. Aujourd’hui, elles sont plus discrètes. Avant, c’était l’aliénation massive d’un pouvoir autoritaire, du capitalisme et de la forme marxiste. Mais, maintenant, c’est beaucoup plus discret, c’est beaucoup plus… soft et, peut-être, d’autant plus envahissant. La technicité nous met dans une non-vie, il faut avoir son portable branché, il faut avoir internet, il faut être connecté, et cetera. Vous voyez deux jeunes gens, qui viennent se rencontrer au café. Ils sont tous les deux en train de pianoter sur leur portable au lieu de se rencontrer, de se parler. Ils sont chacun dans son coin, c’est de la non-vie ça, une sorte de virtuel infini, ce virtuel infini en fait nous aseptise et appauvrit notre capacité de vivre.
Dans plusieurs de vos manifestations culturelles, ainsi que dans certains de vos ouvrages, vous parlez de l’aliénation, « l’aliénation » parce que « exploitation ». Pourriez-vous nous expliquer ce que c’est pour vous ? Qu’est-ce que l’aliénation ? Est-elle le propre de notre siècle uniquement, ou de notre condition d’êtres humains ?
Je crois que l’aliénation est depuis toujours dans l’histoire : rapports de pouvoir, d’autorité, voire de tyrannie. Mais les tyrannies d’aujourd’hui sont plus discrètes par la technicité. Je ne suis pas en train de faire le procès de la technique, ou de reprendre le procès heideggérien de la technique. Non, je dis simplement que la technicité s’impose à nous. On ne la choisit pas. Je n’ai pas choisi d’avoir un ordinateur, d’avoir un portable. Tout cela s’impose à nous par la technicité, le marché mondial, c’est quand même une forme d’aliénation discrète, mais très efficace. Il y a aussi tout le système des médias qui sont quand même très aliénants par tout ce qu’ils ont de ressassement idéologique, par tout ce qu’ils ont de pseudo-débat (comme on dit une pseudo-vie).
C’est difficile à dire. L’aliénation au XIXe siècle, par exemple, c’était le capitalisme face au prolétariat. Il y a encore du capitalisme, bien sûr et du prolétariat, mais je crois que les formes ont muté. A l’aliénation qui était purement sociale, se sont ajoutées des puissances financières et d’autres aliénations plus discrètes. Une aliénation, par exemple, c’est le Globish, le « Global English ». C’est une aliénation. Personne n’y résiste, parce que les aliénations précédentes étaient beaucoup plus frontales et plus directes. Donc, contre une aliénation frontale, vous pouvez résister, parce que vous avez une cible. Les aliénations précédentes étaient face à une frontière : de l’autre côté de la frontière, il y avait l’ennemi, l’adversaire. Maintenant, elles sont douces, soft, et on a de plus en plus de mal à nous y opposer, à résister, parce qu’elles n’ont pas de visage. Avant, l’aliénation avait un visage, c’était le patron, c’était l’Allemand pour le Français. Vous pouviez l’affronter. Alors qu’aujourd’hui, nos aliénations sont d’une autre sorte. Nous sommes aliénés par le virtuel, par le numérique, par le médiatique,… qui sont beaucoup plus discrets. Et donc on a davantage de mal à résister. Parce qu’elles n’ont pas de visage.
Le ministre de la culture nous invite à écouter des morceaux de musique sur CD ou à regarder des pièces de théâtre sur DVD. C’est gentil, mais ce n’est pas comme aller à l’opéra ou au théâtre, ou assister à une conférence et participer directement au débat. C’est une sorte de chose mise en boîte et estompée. Donc, je pense fermement que le principe de la vie est devenu très équivoque. Les Grecs avaient trois mots pour désigner la vie. Bios, c’est la vie sociale, politique. Psyché, c’est la vie biologique (le fait de ne pas mourir, de rester en vie). Et puis, il y a une troisième vie, qui est Zôè, qui est la vie, le divin dans l’âme de tout être humain. En un mot, c’est la pure intelligence.
Je crois que maintenant, c’est notre responsabilité. On peut se résigner dans la vie de couple, n’est-ce pas ? On peut s’enliser dans ses habitudes. On peut se réifier parce qu’on ne s’intéresse qu’à l’argent, qu’au matériel… C’est pourquoi je pense qu’il y a à la fois l’échelle personnelle et l’échelle sociale. Notre vraie vie réside dans le fait de nous défendre contre cette perte de la vie et de répondre aux nécessités du vital, c’est-à-dire de la vie qui est réellement énergie, évolution et déploiement.
Qu’est-ce que vous voulez dire par déploiement ?
Déploiement, c’est-à-dire donner à l’expérience sa pleine échelle, sa pleine possibilité et faire que l’expérience soit une expérience d’existence. Je comprends « exister » avec ce ex : du dehors, se tenir hors.. hors du confinement, pour prendre le mot à la mode, hors de tout ce qui nous cerne. Le thème de l’existence me paraît important parce qu’il vient de la théologie médiévale pour renforcer le verbe être. Mais au départ, c’est Dieu seul qui est, les créatures ex-istent, se tiennent hors de Dieu, ex sistere. Et puis on sait que la pensée moderne en Europe a développé le terme d’existence par la personne de Kant, et puis, en valorisant le ex sistere (se tenir hors), hors de quoi ? du confinement, hors de tout ce qui rabat. Exister signifie se tenir hors de ce rabattement de la vie. Donc, nous sommes des êtres immanents, demeurant dans le monde, et en même temps existant. Je n’articulerais pas immanence et transcendance comme on le fait habituellement, mais immanence et existence. Nous sommes dans cette tension immanents, existants, demeurants dedans, dans ce monde, mais pouvant nous tenir hors, et ne pas en subir la limite. Je comprendrais donc la vie comme un déploiement (« en dehors »), par opposition à ce que j’appelle rabattement.
Vous avez eu recours à la pensée chinoise dans la plupart de vos réflexions philosophiques, si je ne me trompe pas. Quel est l’impact de cette pensée sur votre parcours intellectuel, vous qui êtes d’abord helléniste, je pense, et bien ancré dans la philosophie occidentale ? Un de vos livres porte le titre « La Pensée chinoise : en vis-à-vis de la philosophie ». Que voulez-vous dire par « en vis-à-vis » ? En d’autres termes, comment vous définissez cette pensée en fonction de la philosophie occidentale ?
Tout à fait. Et moi je dis plutôt la langue-pensée chinoise. Pourquoi je me suis intéressé à la langue-pensée chinoise ? On dit couramment en Europe que nous sommes héritiers de la pensée grecque. Mais, que sait-on de cet héritage tant qu’on n’en est pas sorti ? Il faut en sortir pour le mesurer. Jeune helléniste, je me suis dit Je vais commencer une thèse sur Aristote. Je me suis dit : il y a eu déjà beaucoup de thèses sur Aristote avant moi, il va y en avoir d’autres après. Je vais donc essayer de faire autre chose, essayer d’avoir une position de pensée et donc je vais chercher un ailleurs à la philosophie européenne, à la philosophie grecque, pour pouvoir l’interroger du dehors. Ce n’était pas par fascination pour la Chine. C’était pour trouver quelque chose de nouveau et de lointain, il fallait que je me dérange, en quelque sorte, aller ailleurs pour m’externer. Il fallait que je « dé-coïncide » de la tradition philosophique occidentale (« dé-coïncider » : un terme qui est récent dans mon vocabulaire philosophique). Cet ailleurs, je l’ai choisi en Chine pour deux raisons très simples :
1) Raison d’histoire. C’est que c’est très tardivement que les deux côtés du grand continent, Chine – Europe, ont commencé à se rencontrer. Il y a Marco Polo. Mais Marco Polo ne savait pas vraiment ce qu’était la Chine. Il y a les missions aux XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, mais très tardivement par rapport à l’histoire de la Chine ou de l’Europe. À la différence du monde arabe. Aristote, il est revenu en Europe par les philosophes arabes. Il y a une proximité géographique qui a fait que tout ce qui est venu des Grecs l’est par les Arabes. Par l’Andalousie principalement.
2) Et d’autre part, une extériorité par la langue. Sortir de l’Indo-européen (l’Inde, par exemple, ne me convenait pas). La langue arabe n’est pas indo-européenne, simplement il y a proximité du monde arabe par rapport à l’Europe et proximité d’histoire, de traduction et d’interprétation, et ce depuis le Moyen-Âge (la philosophie de Saint Thomas D’Aquin vient d’Averroès, par exemple).
Donc, j’ai cherché l’extériorité. Je voulais être en dehors de la pensée occidentale, extériorité par l’histoire et extériorité par la langue. Il n’y avait que la Chine, d’autant plus que la langue chinoise a une écriture idéographique. Cela fait penser que le rapport de l’écrit à l’oral en chinois est différent de ce qu’on connaît chez nous ou par ailleurs. J’ai donc choisi la Chine. J’aurais pu faire d’autres choix. Ça aurait été aux Amériques ou ailleurs. Je voulais être philosophe dans une tradition aussi textuelle, commentée, réfléchie, organisée explicitement que l’est la pensée européenne. Donc j’ai voulu faire du passage en Chine l’occasion de déranger la pensée européenne, c’est-à-dire la sortir de ses rangements ; la déranger, dans le bon sens du terme, bien sûr.
Quand j’ai appris qu’il n’y a pas le verbe « être » (« to be ») en chinois classique, j’ai été surpris. Je me suis dit : ça changera beaucoup de choses dans ma façon de penser. A ce que je sache, le verbe « être » n’existe pas non plus en arabe. Oui, cela change les choses. Je veux dire parce qu’il n’y a pas d’ontologie. Et la possibilité de penser l’Ontologie est barrée. Qu’est-ce que c’est que penser sans le verbe être ? C’est une question qui n’a cessé de fasciner la philosophie européenne, déjà depuis Platon, lui qui essaie de parler sans le verbe être. Voyez encore Derrida et Levinas qui voulaient sortir du verbe être. Pour eux, il y avait un appui, c’est la langue hébraïque, qui permet d’avoir un écart par rapport à la langue grecque, en tout cas par rapport à la langue de la métaphysique.
Mais donc, si vous voulez, passer en Chine, c’était déranger la pensée, la sortir de ses rangements, donc connaître une sorte de désemparement de la pensée quand on quitte sa langue, ses philosophèmes, les concepts et les questions qui sont classiques dans la philosophie. Et en même temps, je ne voulais pas me siniser, devenir chinois, me convertir. Je voulais donc passer par la Chine mais pour revenir à la philosophie européenne et l’interroger dans ce qu’elle n’interroge pas ; C’est-à-dire ce qui lui paraît aller de soi, ses partis pris implicites, ce qu’on appelait à l’époque classique « la lumière naturelle », la raison. Vous voyez Descartes, il pense en latin français. Il pense que de dire, je doute, je pense, je suis, c’est universel dans la langue. Non, ce n’est pas universel. En chinois, il y a des difficultés à traduire ces expressions. Il faut attendre Nietzsche pour que le soupçon à l’égard de l’universalité de la langue commence à apparaître dans la philosophie. C’était en allemand, pas en français bien sûr, parce que le français était une langue qui prétendait être universelle et la langue la plus logique… On dit, par exemple, à l’époque classique que Cicéron pensait en français mais écrivait en latin. On a pu dire ça, vous voyez ? Parce que la langue française était parfaite dans la logique, le latin était une sorte de préfiguration balbutiante du français.
Donc c’était, pour moi, éprouver un dépaysement de la pensée que de passer en Chine et en même temps réinterroger la philosophie européenne dans son « impensé », c’est-à-dire dans ce qu’elle ne pense pas. En fait, je ne pense qu’à partir d’une chose que je ne pense pas. Il n’y a pas de pensée première ou radicale. C’est un peu illusoire. Mais, il vaudrait essayer d’avoir une sorte de prise oblique sur l’impensé de notre pensée, l’impensé de la philosophie, c’est à dire ce qui lui paraît évident, aller de soi.
Ce que vous expliquez est d’une grande importance, pas seulement pour la philosophie française ou européenne, mais aussi pour la pensée humaine en général. Pour y voir plus clair, est-il possible de présenter quelques exemples précis qui illustrent ce que vous dites ?
Prenons, par exemple, le terme de temps en français. On a le temps en français, en grec. On ne peut pas le retirer de ces langues. Même si tout le monde, depuis Augustin ou même Aristote ou même peut-être avant, ne sait pas ce que c’est que le temps, mais le mot temps, on s’en sert. Toutefois, la langue chinoise, elle, n’a pas promu le mot temps. Seulement la saison, le moment, l’occasion, puis la durée. Il n’y a pas l’enveloppe du temps. Il a fallu traduire temps en chinois. Vous voyez comment un terme qui pour nous est évident et nous nous étonnons comment une culture a pu se passer de ce mot là comme du verbe être. Cela nous amène donc à réfléchir, au sens propre, réfléchir, mettre en réflexion notre pensée.
Bref, je ne fais pas du comparatisme entre Chine et Europe, entre pensée chinoise et pensée européenne. J’essaie d’organiser des vis-à-vis réflexifs, qui mettent donc en réflexion, au sens propre et au sens figuré, une langue-pensée par rapport à une autre langue-pensée pour essayer de faire apparaître l’impensé de chacune dans cette mise en regard.
Oui. Je parle en termes de vis-à-vis, non en termes de ressemblance et de différence ; ce n’est pas intéressant. Ce qui m’intéresse, c’est l’écart et les ressources. Et la pensée chinoise m’a fait apparaître des nouvelles ressources de pensée, en plus des ressources que j’avais en lisant le grec ou l’allemand. Puis, il y a la notion de « processuel ». Processuel qui n’est pas le devenir, parce que le devenir, pour nous, est à l’ombre de l’être dans la métaphysique. C’est ce qu’on appelle la voie en chinois, Tao, la voie par où tout passe, comme la voie de la respiration en nous ; non pas la voie qui mènerait à un but ou à une vérité. Ce n’est pas la voie de la « méthode », c’est la voie viable, la voie de la viabilité.
Le fait que la langue chinoise ne conjugue pas, qu’elle ne décline pas, qu’elle n’a donc pas de morphologie, qu’elle n’a quasiment pas de syntaxe, pas de préposition, ou très peu de prépositions, pas de relative, pas de conjonction, pas tout ça, cela montre que c’est une langue qui pense et s’exprime par corrélations, par opposés complémentaires, yin et yang, comme on dit couramment. Voilà donc que la langue-pensée chinoise promeut des cohérences que je prends au sens propre, des choses qui tiennent ensemble, et non pas au sens de cohérence de pensée européenne. Prenons cet exemple : Pour dire « chose » en chinois moderne, on dit « est-ouest », et pour dire « paysage », on dit « montagne-eaux ». Prenez la définition du Petit Robert : « partie de pays que la nature offre à l’observateur ». Donc, il y a la nature qui s’offre à un sujet, et c’est en fonction de la position du sujet percevant que se définit le paysage et son horizon. C’est un choix qui m’aurait paru évident tant que je n’ai pas rencontré le chinois où le sujet n’a pas de place. Il y a deux cultures du paysage dans le monde développé, l’européenne et la chinoise. Cela oblige à repenser le concept de paysage non plus en fonction de la perception du sujet, de l’espace, de sa délimitation, du rapport de la partie au tout, mais en fonction de la corrélation des énergies : la montagne immobile, qui a forme, qui se voit, et puis l’eau qui est, sans qu’il y ait le sujet, sans qu’il y ait perception.
Avec le chinois, je m’intéresse à repenser le concept de paysage … à avoir un nouveau concept de paysage qui profite de mon expérience européenne.
Et où en est la subjectivité dans cette façon de voir ?
Justement. La subjectivité, c’est une affaire vraiment européenne. Le sujet, le grand sujet, provient de la promotion du rapport de l’homme avec Dieu, comme chez Nietzsche, et chez Deleuze encore. Depuis les Confessions d’Augustin, magnuses dominestri, il y a Dieu et moi, le grand Seigneur et moi qui suis en face.
Puis est venu Descartes qui ne pense plus à partir du monde, mais à partir du « je », (« Je pense, donc je suis »). Et puis il y a eu cet approfondissement de la subjectivité infinie dans le Romantisme, puis avec la psychanalyse, jusqu’au début du XXe siècle. Et à la fin de ce siècle, on a voulu tuer le sujet, sujet barré, sujet émietté, comme chez Lacan ou Deleuze. Mais, c’est d’abord une fonction de la langue. Prenez la langue chinoise qui ne conjugue pas. Il y a des verbes à l’infinitif. En français, on dit : « je marchais dans la montagne ». En chinois, c’est « montagne marcher ». C’est je, c’est vous, c’est nous, … Notre attente dans notre langue à nous pose la question : « Est-ce que c’est hier ? Aujourd’hui ? Est-ce que c’est moi ? Toi ? Nous ? ». En chinois, vous avez « montagne » et « marcher ».
La question concerne donc la langue et la pensée. Mais, on pourrait se demander laquelle est la première : est-ce que la langue précède la pensée ou l’inverse ?
Cela dépend du sens, selon la méthode européenne, ou de ce qu’on annonce dans le discours, selon la méthode chinoise.
On dit en chinois : « Montagne, temple, sonner, cloche ». Ce discours reproduit l’expérience, « le cadre de la montagne qui se précise dans le temple. Et puis c’est la cloche qu’on entend. Il y a donc « une cloche ». En français, on dit : « la cloche sonne » c’est abstrait, ce n’est pas réel (on entend le son de la cloche, puis on sait qu’il y a une cloche). La traduction française qui en a été faite : « la cloche du temple dans la montagne annonce l’arrivée du soir », n’a rien à voir avec la phrase chinoise. Le français exige un sujet, et cela n’existe pas en chinois.
C’est pourquoi je dis la langue-pensée chinoise. La pensée exploite les ressources de la langue, si l’on peut dire. On pense en langue. Descartes ne savait pas qu’il pensait en langue. Ni Kant. Hegel commence à le penser un peu. Nietzsche, oui, il le pense vraiment. Et puis Heidegger. Et moi, je suis passé par la Chine pour justement voir comment on pensait en langue, comment le texte chinois fait penser la langue, ou bien comment il pense dans la langue. Je pense que les deux sont bons : il pense dans la langue comme toutes les autres langues, comme toute pensée qui s’active dans une langue. Et puis, il y a la pensée de la langue, en elle-même. Ici, il y a l’expérience de la langue, dans sa capacité, dans sa ressource énonciatrice. Les lettrés en Chine, ce sont des gens qui lisent beaucoup, et qui ont appris par cœur beaucoup de textes, de sorte à avoir la mémoire habitée par ses cohérences formulaires. Lire un texte chinois, ce n’est pas le comprendre, mais plutôt le sentir. D’abord, on apprend par cœur les textes en Chine sans les comprendre. Et progressivement on commente, donc on excite le sens de l’intérieur, la cohérence plutôt que le sens. Ainsi, c’est le récepteur qui reconstruit le texte, ou plutôt le sens du texte. C’est pourquoi il est très possible qu’un texte soit compris par deux personnes différemment. La dimension allusive est beaucoup plus grande dans les textes chinois que dans les textes français. Le français est une langue de la clarté et de la précision.
Vous êtes maintenant connu dans le domaine de la philosophie européenne comme spécialiste de la pensée chinoise. Pourtant, vous dites que vous êtes helléniste et que vos connaissances en chinois sont pour vous des ressources et des voies nouvelles. Pouvez-vous développer cette idée ?
Faire intervenir le chinois a le grand mérite d’apporter de la nouveauté dans la pensée européenne. La philosophie européenne a été animée par une double source : la source grecque et la source hébraïque. Donc, j’ai voulu passer par la Chine pour entendre d’autres paroles de l’origine, pour parler à la façon de Heidegger. La culture chinoise nous apporte un nouveau point de vue sur la relation entre l’écrit et le tracé. Un saut. Pour moi, ce qui m’intéresse dans la sinologie, c’est sa dimension opératoire, dimension des outils de pensée : outils de questionnement, outils pour découvrir autrement ou redécouvrir la pensée européenne dans ses partis pris, dans ses choix, dans ses fécondités. La pensée chinoise m’a permis de devenir plus sensible aux ressources singulières et profondes de la pensée européenne.
Moi, je suis philosophe grec, helléniste. Je ne prétends pas la sagesse. Je travaille la raison, le logos, et je fais confiance dans la possibilité du discours. Il y a une phrase importante dans les entretiens de Confucius. Il dit : « J’aimerais ne pas parler ». Alors on lui dit « si vous ne parlez pas qu’est-ce que vous allez nous raconter ? » Il répond : « Le ciel, parle-t-il ? Les saisons vont suivre leur cours. Tous les êtres adviennent, quel besoin le ciel aurait-il de parler ? ». Aussi, c’est une culture qui a de la défiance à l’égard de la parole. Et vous le trouvez dans le bouddhisme importé d’Inde, mais acclimaté en Chine dans le zen. La parole, c’est du discours, le discours, c’est une abstraction, une construction où l’on perd la proximité d’une certaine expérience vive.
Dans un de vos livres, Une Seconde Vie, vous partez du taoïsme pour le faire dialoguer avec les écrivains et penseurs européens. Vous essayez de la sorte de créer, ou plutôt d’indiquer au lecteur un chemin, celui d’une « transformation silencieuse ». Que voulez-vous dire par cette expression ? Pourquoi transformation et pourquoi elle est silencieuse ? Et puis, transformation de quel état à quel état ?
Bonne question. Je ne mettrais pas ce concept sous l’étiquette seulement taoïste, parce que c’est général. Je l’appelle « transformation silencieuse », parce que, d’une part, elle se fait sans bruit et, d’autre part, on ne l’entend pas (elle peut faire du bruit, mais on ne l’entend pas). Pourquoi ? Parce qu’elle est globale et en même temps continue. Et comme elle est globale et continue, elle ne se démarque pas. On ne la remarque pas, donc on n’en parle pas. C’est le processuel dont je parlais tout à l’heure. Et donc j’accouplerai ce terme porté au concept transformation silencieuse avec un autre qui serait « événement sonore ». Moins j’ai perçu la transformation s’opérer, plus quand elle émerge, elle me surprend, elle fait du bruit. Je prends un exemple. On ne se perçoit pas vieillir, on ne perçoit pas ses enfants grandir parce que c’est continu et global. En nous, tout vieillit. Ce n’est pas seulement les cheveux blancs, ou la peau, ou le regard, ou la voix. Tout change. Comme c’est tout et global, cela nous échappe. Il n’y a pas une seule chose qui se signifie particulièrement. Puis, on voit une photo d’il y a 20 ans, on dit : « Oh ! J’ai vieilli ! » Ce cri, c’est l’événement sonore. Il est révélateur d’une transformation silencieuse. Notre expérience dans cette vie est faite de celle d’un monde plein de transformations silencieuses. La rivière creuse son lit. Et le lit est devenu profond par transformations silencieuses. Le réchauffement climatique, c’est pareil : une transformation silencieuse, parce que c’est global et continue. Il est vrai que l’on repère les glaçons fondus, on repère des effets singuliers, on remarque que la température monte, et cetera. Mais, comme elle est globale et continue, elle ne se démarque pas suffisamment pour qu’on la remarque.
Un autre exemple d’ordre psychologique : une séparation, un divorce entre deux personnes. C’est « l’événement sonore ». Mais ces deux personnes n’ont pas vu venir les choses secrètes qui se passaient subrepticement : un silence, une réticence, puis soudainement, il y a le sonore. Notre expérience dans cette vie est tissée de nombreuses transformations silencieuses. Alors pourquoi « silencieuses » et non pas « invisibles ». Là, je crois qu’on passe à la pensée chinoise justement. Ce que nous avons privilégié en Europe et chez les Grecs, c’est la vue. Il y a le visuel d’abord, puis vient l’idée. Théorie, c’est voir. Quand l’œil ne voit plus, c’est l’œil de l’âme qui voit la forme de Dieu. Donc, on a privilégié le visuel en Europe.
Alors que chez les Chinois, c’est l’ouïe qu’ils préfèrent privilégier. Pour dire intelligent en chinois contemporain on dit : « cōng ming », entendant-voyant. Il voit avec l’oreille, ou plutôt il perçoit avec l’oreille. Comparons les deux sens : la vue, elle est le sens du local et du discontinu. Je regarde ici, je regarde là, je ne vois pas derrière ma tête. J’ouvre les yeux, je ferme les yeux. Le regard est à l’inverse de ce qui est global et continu. Quant à l’ouïe, elle est le sens du global et du continu. J’entends tout, même ce qui se passe derrière moi. La vue va chercher dans le monde, elle se projette. Elle construit l’objet. L’objet, c’est ce qui se jette face à moi, un obstacle. C’est ce contre quoi ma vue vient se cogner. C’est ce qu’ont dit Aristote puis Augustin : objectum, c’est ce qui fait obstacle à la vue, ce qui arrête mon regard. C’est le choix du grand couple : sujet-objet, en Europe. Cela , on ne peut pas le traduire en chinois. La Chine pense beaucoup plus le prégnant, l’envahissant, l’ambiant (l’ambiant est très important) et ce qui traverse. Voyez la peinture classique : tout petits yeux, juste un petit point et les grandes oreilles, les grandes oreilles qui sont comme des cornets récepteurs. On ne va pas chercher dans le monde, mais on écoute tout ce qui vient. On le recueille dans l’oreille.
En Europe, nous avons pensé une histoire tout d’abord événementiel. On s’intéresse aux dates. Telle année, tel événement, telle autre année, tel autre événement. Et ainsi de suite. On s’intéresse à l’histoire des événements, mais l’Histoire change et se meut. La montée du capitalisme, par exemple, n’a pas de date fixe, il n’y a pas de lieu déterminé. C’est une transformation silencieuse et globale qui a longtemps duré : financièrement, économiquement, industriellement, socialement, politiquement, …
Donc, la transformation silencieuse est ce à quoi nous devons faire attention dans notre vie individuelle et sociale. N’est-ce pas ? La question qui se pose est : ces transformations silencieuses qui accompagnent la vie de chaque individu, font-elles partie du vital ou du vivant, pour revenir à la dichotomie avec laquelle on a débuté notre entretien ?
Je crois du vivant, le vital n’étant que la condition du vivant. La condition du vivant est d’être attentif à ces mutations du vivant humain, n’est-ce pas ? Et il me semble que la Chine nous rend attentif à l’effet sonore et à tout ce qui se passe silencieusement entre nous et les événements autour de nous. Elle nous apprend à faire attention à ce qui se passe dans cette perception européenne, et surtout au passage du temps long des gestations des transformations silencieuses. Les Chinois ont adopté le temps bref du capitalisme. Mais ils ont une autre ressource, c’est le temps long. Ils font mûrir, ils laissent mûrir. Je ne suis pas contre la démocratie. Je suis pour les sondages, tout au contraire. Je suis attaché au système de l’élection. Je suis attaché au système du débat et de la rivalité. Cela existe chez nous depuis les Grecs. Rien n’empêche de le repenser. En plus, je suis pour la légitimité du partage et en même temps pour une exigence de compétence. Il faut faire attention aux dangers qui guettent les démocraties occidentales, d’autant plus que les médias sont tout puissants et qu’ils font l’opinion et l’imposent presque.
Vous abordez parfois la question de Dieu et le concept de la croyance dans les divinités. Quelle est votre situation face au fait religieux, la croyance en Dieu passe-t-elle par la tête ou par le cœur ou ailleurs ?
J’ai écrit un livre qui est publié tout récemment, « Moïse ou la Chine ». C’est une question qui m’a préoccupé beaucoup. C’est que Dieu est vraiment le terme le plus crucial de la pensée occidentale, y compris bien sûr le monde arabe. Il m’a intéressé de voir que du côté chinois à très haute époque, les Chinois ont entrevu une certaine figure de Dieu, le seigneur d’en-haut. C’est-à-dire quelqu’un qu’on craint, qui règne sur le monde humain. Mais cette notion a été progressivement, très tôt, il y a 3000 ans, marginalisée au profit d’une autre, celle du ciel. Le ciel comme qui va être progressivement le régulateur des choses, la voie du ciel, la voie (au sens tao).
Voyons cette notion de Dieu en Occident. Elle était toujours présente au centre de la pensée depuis les Grecs. Déjà Socrate, on le condamne parce qu’on l’accuse de ne pas croire aux forces qui se trouvent au-dessus de la cité. Mais il dit qu’il croit que les dieux sont. Et cette affaire de Dieu a été à la fois la plus personnelle, la plus intime, la plus politique. Platon dit que l’on doit croire, sinon on est immoraux. La croyance dans les dieux est l’appui ou le soutien d’une moralité. La croyance et Dieu sont donc au centre de l’histoire de l’Occident.
En contrepartie, la Chine – cette grande civilisation – est passée à côté de ça. Dieu ne l’a pas vraiment intéressé. Les Chinois ne sont pas passionnés ni pour ni contre Dieu ; ils ne sont pas religieux, ni athéistes non plus.
Si la pensée européenne se concentre sur « la crainte de Dieu », dans la pensée des chinois, ce sentiment de crainte mute en gestion soucieuse du monde, gestion attentive du roi. Aujourd’hui, XI Jinping, le président chinois, joue encore le même rôle : La gestion attentive, responsable, du monde. Par conséquent, cela appauvrit le sens de crainte, de peur, enfin, ou de terreur.
Reprenons : comment un grand pays comme la Chine, avec une tradition intellectuelle ancienne et imposante, a-t-il pu passer à côté de la question religieuse et ne lui a prêté aucune attention ? A votre avis pourquoi cette idée de Dieu, pour ne pas dire la croyance en Dieu, n’existe pas dans une civilisation aussi importante et dans une culture de si longue histoire ?
Je voudrais revenir au verbe « être » qui se trouve dans les langues indo-européennes pas en arabe ou en chinois. Il y a deux sens du verbe « être » : le sens de l’existence (« je suis ») et le sens de prédication (« je suis ici »). Mais, est-ce que ces deux sens sont indépendants l’un de l’autre ? Il y a une corrélation entre les deux, ou peut-être une confusion. Toute la pensée européenne s’est développée dans cette réflexion sur cette relation entre existence et prédication. En chinois, vous avez une fonction grammaticale, enfin grammaticale, un minimum syntaxique, disant la prédication, mais qui est une particule, et donc ce n’est pas un verbe, comme chez nous. La prédication, l’utilisation du verbe « être », ont abouti à la formation de notre expérience du monde et à la naissance de cette chose monstrueuse qu’est la philosophie occidentale. L’idée d’objectivité et la séparation du sens de l’existence (je suis) et le sens de la prédication (je suis heureux), cela a mis les choses en dehors du « je ». Tout cela a alimenté toute la pensée européenne, de la philosophie à la science.
Connaissez-vous des philosophes arabes, anciens ou modernes ? Qu’est-ce que vous pensez généralement de la civilisation et de la pensée arabo-musulmanes ? Est ce que celle-ci a eu un impact quelconque sur votre parcours philosophique ? Vous avez un attrait pour un philosophe arabo-musulman déterminé ?
Je connais trop peu, parce que je ne connais pas la langue arabe. Dans le contexte actuel, les Arabes occupent une place importante. L’Europe a été influencée par la pensée arabe au Moyen-Age, et on peut dire qu’à un moment donné de l’histoire de la pensée occidentale l’impact arabo-musulman a été très grand. Rappelons-nous des exégèses qui ont été énoncées en arabe pour commenter les textes des philosophes grecs, principalement Aristote. On peut citer des noms bien connus, comme Avicenne et Averroès et bien d’autres. C’est là ce qui m’intéresse, pourquoi ? Parce cela montre que l’Islam peut avoir une vocation philosophique et servir de cadre au développement de la philosophie. C’est un point très important du point de vue de la culture humaine. Et puis il y a la traduction. Auparavant, on a très peu traduit de la pensée chinoise. Mais beaucoup de textes arabes ont été traduits dans les langues européennes. Ce qui a eu un effet notoire. La traduction a commencé du grec et du syriaque vers l’arabe, puis elle a continué de l’arabe vers le grec et les langues européennes. Aujourd’hui, je dirais : C’est l’heure de la traduction. La langue de l’Europe, ce n’est pas l’anglais ou le globish, comme on dit, c’est la traduction.
Une dernière question : puisque vous parlez de la traduction et de sa situation actuelle en Europe, comment la définissez-vous ? Quelle est sa place dans votre système de pensée sur lequel vous travaillez, surtout en ce qui concerne la notion de « dé-coïncidence » que vous envisagez comme la clé qui permettra la délivrance de la pensée philosophique du joug de la logique fondée sur le verbe « être » ?
Certains disent que l’idéal en traduction est la coïncidence. Moi, je dis que la coïncidence en traduction est impossible. Il y aura toujours quelque chose qu’on ne peut pas faire passer dans une autre langue, il y aura toujours la perte de quelque chose en traduction. Le traducteur est sous le joug de deux maîtres : l’auteur (dans la première langue) et le lecteur (dans la seconde langue). Je trouve que cette situation est une aubaine pour lui et pour le système de pensée dans l’autre langue. Car, le fait d’obéir à ces deux maîtres conduit la deuxième langue à faire entendre ce qu’elle n’est pas habituée à faire entendre, et cela dérange, mais ouvre la voie à la participation et au partage. C’est que la traduction n’est pas un fac-similé, mais bien une participation et un partage. C’est ce qui aboutit au fait qu’il n’y a pas de traduction définitive. Le texte de l’auteur est définitif et fini, et on ne peut pas le changer. Quant à la traduction, elle est une action vitale qui fait découvrir les possibilités du texte original dans l’autre langue. Ainsi, on peut dire que le traducteur ouvre l’horizon du possible ou des possibles de la langue dans laquelle il traduit.
C’est pourquoi je serai intéressé à ce que mon travail soit traduit en arabe. Parce que, personnellement, j’aimerais pouvoir ouvrir un dialogue avec la pensée arabe.
J’aurais aimé apprendre l’arabe, c’est une langue riche et pleine de possibilités pour la pensée et d’outils de vis-à-vis avec la pensée européenne. Mais cela demande beaucoup de temps… et la vie est courte.